Une approche novatrice, basée sur des avatars numériques, pourrait constituer une avancée majeure dans la prise en charge des patients souffrant d'hallucinations auditives. Et peut-être de troubles de l'alimentation.
La parole intérieure, également appelée « endophasie », est un phénomène a priori normal. Si le plus souvent notre « petite voix » est une alliée qui nous permet de réguler nos émotions et d'organiser notre pensée, parfois elle se fait menaçante et oppressante, assiégeant l'esprit. Selon Hélène Loevenbruck, linguiste et neuroscientifique : « Nous avons la capacité exceptionnelle de pouvoir simuler des voix intérieures et de susciter des dialogues mentaux. Mais ce mécanisme essentiel à notre humanité peut parfois dérailler et se désynchroniser. » Souvent associée à la schizophrénie, l’expérience de l’entente de voix est en réalité plus courante qu’on ne le pense. On estime que 13,2 % de la population serait "entendeur". Si les antipsychotiques sont la solution privilégiée pour réduire les voix au silence, leurs lourds effets secondaires limitent leur adoption. Pour proposer une alternative aux traitements pharmacologiques, certains chercheurs expérimentent une approche inédite : la thérapie par avatar.
La thérapie par avatar pour réduire au silence les voix envahissantes
Le principe est simple : « utiliser la réalité virtuelle pour donner un visage aux voix intérieures et ainsi permettre aux patients d'échanger avec une représentation externe de leurs hallucinations. » Une fois dans l’environnement virtuel, le patient dialogue avec l’avatar "persécuteur", incarné par le psychiatre traitant. Ce dernier mène les échanges de façon à « stimuler la régulation émotionnelle, à reconstruire l’estime personnelle et à entraîner l’affirmation de soi », peut-on lire sur le site du centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal qui a développé le Projet Avatar. Lors des séances, le thérapeute guide la conversation afin d’aider le patient à reprendre le contrôle. Progressivement, l’avatar passe d’une posture autoritaire à une position soumise, instaurant ainsi un rapport de force plus équilibré. « Les voix que j’avais me paralysaient et je devais continuellement les combattre, ce qui prenait toute mon énergie. Je n’étais pas fonctionnel. Grâce à la thérapie, j’ai diminué ma médication de moitié et je commence à ressentir des émotions pour la première fois depuis 16 ans », témoigne Richard Breton, participant au Projet Avatar.
Des résultats encourageants qui dépassent la psychose
Les premiers résultats de l'étude pilote canadienne sont prometteurs : 90 % des patients auraient constaté une diminution de leurs hallucinations et 100 % ont rapporté une diminution significative de l’anxiété et de la peur ressenties. Un essai randomisé, mené sur 150 patients par une équipe de psychologues cliniciens du Kings College London (KCL), confirme ces résultats. Selon Tom Craig, professeur de psychiatrie qui a supervisé l'essai, la thérapie par avatar s'est avérée « plus rapide, moins chère et plus efficace après 12 semaines que toute autre intervention non pharmacologique actuellement disponible pour les personnes atteintes de psychose. » Une reprise de contrôle dans un dialogue jusque-là à sens unique, dont témoigne Claire, participante à l'essai : « La première séance n’a duré qu’environ cinq minutes, mais quelque chose avait changé : j’ai réagi. La voix me disait d’arrêter mon traitement, et j’ai simplement répondu : "Ce n’est pas une bonne idée d’arrêter." Elle m’a alors demandé : "Qui a dit ça ? " et j’ai répondu : "Eh bien, tout le monde, vraiment, tout le monde." Je n’avais jamais osé lui tenir tête de cette façon. Et à partir de là, tout a évolué. »
En outre, les recherches préliminaires menées par l'équipe du King's College suggèrent que cette approche serait prometteuse pour d'autres pathologies telles que les troubles de l'alimentation, l'avatar incarnant alors la « voix anorexique ». Jugeant les résultats « encourageants », le NICE (National Institute for Health and Care Excellence) recommande cette thérapie dans le cadre du système de santé britannique (NHS).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire