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10 juin 2025

[Débat] : "Mon soutien psy": pourquoi certains psychologues sont contre

Au journal officiel du 15 mai dernier était publié un nouveau décret au sujet du dispositif de consultation psychologique baptisé "Mon soutien Psy".

Ce texte supprime, pour les consultations en psychologie dans le cadre de ce dispositif, l’adressage « par les médecins, les sage-femmes et les professionnels de santé de la médecine scolaire en vue de la prise en charge des séances d'accompagnement réalisées par un psychologue, et augmente de huit à douze le nombre de séances pouvant être prises en charge annuellement ».


Albert Ciccone, psychologue clinicien, professeur de psychologie et psychopathologie à l'université Lumière-Lyon-II, et par ailleurs président de l’association de psychologues Convergence des psychologues en lutte, pense que ce nouvel aménagement de « Mon soutien psy », ne va pas bouleverser ce dispositif, qu’il juge néfaste pour la profession.

Medscape édition Française : Quel est votre avis sur ce décret, notamment concernant la suppression de l'adressage par le médecin, la sage-femme ou le professionnel de santé de l’éducation nationale ?

Albert Ciccone : Le décret en question reprend des annonces précédentes, confirmant ainsi les modifications déjà annoncées en juin dernier. Il s'agit de l'officialisation de ces mesures : augmentation du nombre de séances, revalorisation du tarif à 50 euros au lieu de 30 euros, et suppression de l'adressage par le médecin. L'association Convergence des Psychologues en Lutte, représentant plus de vingt organisations et environ 22 000 psychologues, soit près d'un quart de la profession, exprime son opposition à ce dispositif. Les ajustements apportés par Gabriel Attal, entérinés par le gouvernement actuel, sont cosmétiques, ne modifiant pas les problèmes fondamentaux du dispositif.

Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous êtes opposé au dispositif « Mon Soutien Psy » ?

Albert Ciccone : Nous sommes opposés à ce dispositif principalement parce qu'il a été élaboré sans la participation totale de la profession. Une seule organisation, la Fédération Française de Psychologie, a été impliquée dans sa mise en place, et celle-ci ne représente pas une majorité significative de psychologues. Ce dispositif contribue à la dégradation du service public en externalisant les soins vers une structure à faible coût. Initialement prévu pour 8 sessions, il a été étendu à 12, ce qui ne change fondamentalement rien en termes d'efficacité thérapeutique.

Le programme coûte 170 millions d'euros par an, et selon nos calculs, cette somme pourrait créer entre 3 500 et 4 000 postes de psychologues dans les lieux où des consultations gratuites existent déjà, comme les centres médico-psychologiques (CMP), le secteur médico-social et les universités. Prenons l'exemple des étudiants, dont la santé mentale est extrêmement précaire : il y a actuellement un psychologue pour 15 000 à 30 000 étudiants, alors que la recommandation est d'un pour 1 500. Il faudrait donc multiplier par dix le nombre de psychologues dans les universités. Dans les écoles, les psychologues de l'Éducation Nationale sont assignés à 2 000 élèves, alors que la norme devrait être d'un pour 1 000, nécessitant ainsi un doublement de leur nombre.

De plus, dans les CMP, les listes d'attente vont de 6 mois à 2 ans, ce qui est inacceptable. La création de 3 500 à 4 000 postes de psychologues permettrait de répondre efficacement aux attentes de la population et aux besoins de consultations et de prise en charge par des professionnels qualifiés, là où ces services sont déjà disponibles.

Vous jugez ce dispositif discriminant ?

Albert Ciccone : Le service public, y compris la psychiatrie, est en train de subir des dégradations alors qu'on investit dans un dispositif qui n'est pas adapté aux besoins identifiés. Il discrimine en triant la population et ne s'adresse qu'à ceux avec une légère anxiété. La majorité des personnes nécessitant des consultations ont des besoins plus complexes et importants. Ce dispositif cible seulement 2% de la population. Les CMP et les services publics sont disponibles pour tous et pas seulement pour 2 % de la population. Dans ce dispositif, seulement 10% des patients sont en situation de précarité, alors qu'il était destiné à ceux qui ne peuvent pas financer des consultations privées.

Le dernier rapport d'évaluation réalisé par le gouvernement indique que 36 % des utilisateurs de ce dispositif ne correspondent pas aux critères d'admissibilité.

Les rapports d'évaluation de « Mon soutien Psy » indiquent qu'en moyenne, seulement 4,8 consultations sur les 12 proposées sont utilisées, ce qui suggère que le dispositif n'atteint pas pleinement les personnes nécessitant des soins. Ceux qui arrêtent après 4 séances montrent que le dispositif peut ne pas répondre à leurs besoins. Ceux qui ont des symptômes graves, comme des idées suicidaires, des tentatives de suicide, hospitalisés en urgence, requièrent davantage de soins. Après 12 séances, les patients doivent de nouveau soit payer leurs consultations, soit attendre un nouveau rendez-vous au CMP pendant plusieurs mois voire plusieurs années, créant une rupture dans la continuité des soins.

Qui plus est, « Mon soutien psy » impose des honoraires contraints, inférieurs à la moyenne, que l’on ne peut pas dépasser. Mais ce n’est pas cela le plus important. Nous regrettons également que « Mon Soutien Psy » ne couvre pas la totalité du territoire, alors que le service public est partout présent en France. Il y a des CMP même dans les campagnes les plus reculées, c’est dans ces territoires qu’il faut installer des psychologues. Mais les psychologues conventionnés, éligibles à « Mon Soutien Psy », se concentrent principalement dans les centres-villes, créant ainsi des déserts psychologiques similaires aux déserts médicaux. Ce dispositif ne répond pas aux attentes ni aux besoins de la population. De plus, le dernier rapport d'évaluation réalisé par le gouvernement indique que 36 % des utilisateurs de ce dispositif ne correspondent pas aux critères d'admissibilité. Il s'agit de personnes déjà engagées dans une psychothérapie intensive, suivies par des psychiatres, ou sous traitement par neuroleptiques, et qui bénéficient déjà d'un suivi psychiatrique.

La santé mentale est la grande cause nationale en 2025. Est-ce que vous avez été contacté d'une manière ou d'une autre pour mener des actions dans ce sens ?

Albert Ciccone : Non, pas du tout. J'ai mentionné une association qui travaille avec le délégué ministériel à la santé mentale, la fédération française des psychologues. Ils sont souvent les seuls impliqués dans les discussions et les réflexions. Ils participent aux négociations en lien avec les propositions gouvernementales. Il serait bon qu’ils prennent en compte le rejet de « Mon soutien psy » par une majorité de la profession.

Néanmoins, récemment, lors de son allocution, le président Macron a reconnu que, malgré le soutien affiché par la CNAM et le ministre de la Santé pour Mon soutien psy, 8 psychologues sur 10 ne soutiennent pas ce dispositif. En réalité, 84 % des psychologues éligibles refusent de se conventionner et boycottent activement. Ce chiffre pourrait être plus élevé si l'on considère tous les psychologues, car le rejet vient aussi bien des libéraux que des hospitaliers. La CNAM contacte parfois des psychologues salariés qui n'ont pas de cabinet privé pour les encourager à se conventionner… Quand on prend en compte l'ensemble des psychologues, plus de 84 % pourraient participer au boycott. Cependant, ces voix ne sont pas toujours entendues ni prises en compte.

A noter toutefois que nous commençons à recevoir des réponses à nos courriers. Les universitaires, comme moi, qui font partie de la contestation, sont généralement plus écoutés. Nous commençons à obtenir des réponses, car le gouvernement prend conscience qu'il existe effectivement des dysfonctionnements. Il semble que le délégué ministériel à la santé mentale, lors de sa dernière intervention, ait commencé à percevoir que les psychologues ne correspondent pas à l'image qu'il en avait. Il est essentiel qu'il s'informe directement auprès des professionnels pour mieux comprendre cette profession.

« Mon soutien psy » : pourquoi certains psychologues sont contre

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