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07 décembre 2021

Quand le soin psychiatrique se passe d’isolement-contention

Alors que le gouvernement doit légiférer de nouveau sur l’encadrement de l’isolement-contention avant la fin de l’année 2021, certains établissements n’ont pas attendu pour changer leurs pratiques. C’est le cas de l’unité Paul Sivadon au centre hospitalier psychiatrique de Saint-Jean-de-Dieu à Lyon, qui a transformé sa chambre d’isolement en espace d’apaisement en septembre 2018. Trois ans après la fermeture de la chambre d’isolement, l’expérience est un succès. Retour sur cette expérimentation réussie.

Diminution de la contention

"La psychiatrie, c'est le seul domaine ou un citoyen peut limiter la liberté d'un autre citoyen", pointe Ludovic Serna, cadre supérieur du pôle intersectoriel de soin et de réhabilitation psycho-sociale (PISR) au centre hospitalier Saint-Jean-de-Dieu, à Lyon. Le recours à l’isolement et à la contention mécanique, particulièrement attentatoire aux libertés individuelles, est de plus en plus remis en question dans le milieu psychiatrique. Entre 2017 et 2020 en Auvergne-Rhône-Alpes, l’isolement dans les soins sous contrainte a reculé de 13,75 %. Soit 10 000 journées en chambre d’isolement de moins.

Cette diminution s’explique selon la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) par l’augmentation des contraintes administratives visant à "interdire la banalisation de l’isolement et de la contention en conduisant à une réflexion sur la nécessité ou l’utilité de ces actes"*. Pour la CGLPL, « le regard de tiers (juge des libertés et de la détention, procureur, proches du patient) sur les mesures d’isolement ou de contention conduit les équipes à s’interroger sur les effets et la pertinence de leurs pratiques ».

*https://www.cglpl.fr/wp-content/uploads/2021/06/CGLPL_Rapport-annuel-2020_web.pdf

Une chambre d’isolement utilisée en "dépannage" d’autres services

Dans ce contexte, certains établissements cherchent des solutions pour changer leurs pratiques d’isolement-contention. Au centre hospitalier Saint-Jean-de-Dieu, établissement psychiatrique lyonnais, l’Unité de réhabilitation psychosociale (UPRS) Paul Sivadon, a tenté dès septembre 2018 l’expérience de fermer sa chambre d’isolement (CI).

Le service comprenait deux sous-unités d’une capacité totale de 40 lits, avec chacune un infirmier et un aide-soignant pour 20 personnes. « Nous recevions des personnes hospitalisées, mais qui relevaient plus d’une prise en charge médico-sociale et avec lesquelles on travaillait sur le retour dans la communauté. Dans ce contexte, les enfermer n’était pas cohérent. Nous voulions plutôt les faire sortir », explique Ludovic Serna. Avant 2018, l’établissement comptait 14 chambres d’isolement. Mais celle de l’unité Paul Sivadon servait peu aux soignants de l’unité elle-même. « Elle était plutôt utilisée en dépannage d’autres services. Mais la nature ayant horreur du vide, elle était occupée constamment », se souvient le cadre de santé. Ainsi, en 2016, 398 journées ont été recensées pour 56 patients accueillis, dont 4 seulement issus du service**.

**Ce chiffre s’explique par le fait que la fin d’un séjour et le début d’un autre pouvait survenir dans la même journée et comptait alors pour deux journées.

Sans la chambre d’isolement, les soignants se sentaient en danger

Dès 2016, le projet d’unité a été revu afin de fusionner les deux sous-unités en une seule, de 28 lits. Au cœur de ce changement, la fermeture de la chambre d’isolement du service et une réorganisation architecturale sont prévues. Mais le chemin est plus long que prévu… « Nous avons commencé à penser à la fermeture de la chambre d’isolement en 2017 et il a fallu un an et demi pour la mener à bien. Nous avons dû faire un gros travail pour faire évoluer les mentalités, dans le service et dans l’institution », souligne Ludovic Serna.

La difficulté principale a été la résistance de l’équipe. « Les soignants se disaient : est-ce qu’on est vraiment un service de psychiatrie si on n’a pas de chambre d’isolement ? Ils se sentaient en danger sans elle. C’était une sorte de filet de sécurité pour les soignants », se rappelle-t-il.

Former aux techniques d’apaisement

Dans son bureau, il garde accroché comme un trophée sur son panneau d’affichage le document officialisant la fermeture de la chambre d’isolement de son service. « Pour y parvenir, il a fallu accompagner l’équipe sur un versant sécuritaire. Nous avons formé les soignants aux techniques d’apaisement des situations de tension, aux techniques de relaxation, mais aussi sur la question des biorythmes, afin d’éviter que des patients ne se retrouvent dans des états de fatigue intense pouvant amener à des moments de stress et à des crises. Nous avons également accompagné les équipes à la psychoéducation, pour qu’elles puissent apporter de l’information à la personne sur la maladie, les traitements, etc. »

Nous avons formé les soignants aux techniques d’apaisement des situations de tension, aux techniques de relaxation.

La chambre d’isolement a été complètement transformée, pour en faire un espace d’apaisement. Avant, la CI comprenait un sas de sécurité, avec un bouton d’appel. Dans la chambre elle-même, lit et toilettes en inox étaient scellés au sol. Le sommier comportait des poignées où attacher des sangles pour la contention. Pour la transformer en salon d’apaisement, le sas a été supprimé, de même que le verrou, et l’espace a été aménagé avec matelas, coussins, poufs fauteuil, musique lumière tamisée et fragrances naturelles : « Nous avons transformé un lieu d’hypostimulation sensoriel en lieu d’apaisement par la sensorialité : odeurs, lumière, toucher, etc. Nous diffusons par exemple des essences naturelles de menthe et de lavande, détaille Ludovic Serna. Au départ, c’était un espace très peu utilisé par les soignants et par les patients, mais petit à petit nous y découvrons un intérêt », observe-t-il.

La chambre d’isolement a été complètement transformée, pour en faire un espace d’apaisement.

Un bureau infirmier toujours ouvert

Trois ans après la fermeture de la chambre d’isolement, l’expérience est un succès. « Nous ne reviendrions pas en arrière », assure Ludovic Serna. En 2019, seulement 2 patients ont dû être isolés dans un autre service, aucun en 2020 et 1 en 2021. « Ce qui a changé, c’est que le bureau infirmier est toujours ouvert, ce qui montre la disponibilité auprès des patients et la sécurité de l’équipe. Il y a aussi un effet non mesurable lié au fait qu’il n’y a plus de chambre d’isolement, donc il faut faire sans », estime-t-il. Ce n’est pas uniquement un outil qui a été changé, c’est aussi le regard des soignants. « Nous avons amené d’autres professions de santé autour de ce projet, éducateurs spécialisés, psychomotriciens, ergothérapeutes. La créativité des soignants est sollicitée et ils savent être inventifs », apprécie-t-il.

Ce n’est pas uniquement un outil qui a été changé, c’est aussi le regard des soignants.

La nouvelle génération de soignants semble se détacher de la contention et de l’isolement. Les recherches en psychiatrie tendent à démontrer leur inutilité sur le processus de soin. Ces enseignements sont transmis aux universités, qui elles-mêmes transmettent ce savoir aux nouveaux psychiatres, moins enclins à appliquer des méthodes jugées inefficaces.


Quand le soin psychiatrique se passe d’isolement-contention (medscape.com)

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