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29 mars 2023

[Interview] : Schizophrénie, une diversité de formes et d’évolutions possibles

Stéphanie Lavaud, 23 mars 2023

Dans le cadre des Journées de la Schizophrénie, qui ont lieu du 18 au 25 mars 2023, nous avons donné la parole au Pr Fabrice Berna, psychiatre (CHU de Strasbourg), chercheur (Inserm 1114) et spécialiste de cette pathologie psychiatrique.

A cette occasion, il déconstruit un certain nombre de stéréotypes comme le fait qu’il n’existe pas "UNE", mais "DES" schizophrénies, dont certaines ont d’excellentes perspectives d’évolution symptomatique.

Il rappelle qu’une prise en charge adéquate et sur mesure permet, dans certains cas, d’obtenir un rétablissement durable et déplore la stigmatisation dont sont encore victimes les personnes qui souffrent de ce trouble.

Medscape édition française : Comment définit-on la schizophrénie ?

Pr Fabrice Berna : Tout d’abord, il faut savoir que les critères pour poser un diagnostic de schizophrénie ont été définis sur la base d’une convention basée sur les symptômes les plus typiques et les plus fréquents de la schizophrénie. Les signes cliniques comprennent des symptômes dits positifs comme les délires, hallucinations – beaucoup de patients entendent des « voix » –, une désorganisation de la pensée, du comportement, et/ou des symptômes négatifs tel le retrait social et l’absence de motivation. On parle de schizophrénie quand les symptômes ont une durée d’au moins un mois avec un retentissement fonctionnel au quotidien d’au moins six mois. Le diagnostic est donc purement clinique car il n’y a aucun marqueur en imagerie cérébrale, ou détectable dans le sang qui permet d’établir le diagnostic de schizophrénie.

Medscape édition française : Le spectre des symptômes est large, y a-t-il de fait plusieurs formes de schizophrénie ?

Pr Fabrice Berna : Effectivement, le terme englobe plusieurs types de schizophrénies, très différentes les unes des autres, au point que parler de schizophrénie pour un patient que l’on vient de diagnostiquer est peu précis au vu de la multiplicité des formes. C’est important de le dire au regard de l’image négative véhiculée par la schizophrénie car si certaines évoluent mal, on ne peut pas généraliser à l’ensemble des schizophrénies.

Medscape édition française : Comment distinguer alors les différents types de schizophrénie ?

Pr Fabrice Berna : Il existe plusieurs façons de penser cette diversité de formes. Certains considèrent que l’on peut classifier les différentes formes selon les stades de la maladie. Cela va aller des schizophrénies débutantes – des stades à risque qui précèdent la schizophrénie jusqu’au premier épisode – à des schizophrénies qui évoluent plus dans le temps.

D’autres vont dire que certains patients présentent des symptômes atypiques et vont identifier un petit contingent de « fausses schizophrénies » qui s’expliquent par une épilepsie, une maladie auto-immune ou inflammatoire, etc. Il faut savoir les repérer car le traitement est alors très différent.

Il y a une troisième façon de codifier les schizophrénies, qui vient de l’école allemande de Wernicke-Kleist-Leonhard – et qu’on essaie de généraliser à Strasbourg – et qui est une façon plus complexe de classer les schizophrénies sur une base clinique. Cette classification (dite WKL) identifie 35 formes différentes de la maladie au sein du spectre qui s’étend de la schizophrénie aux troubles de l’humeur. Cette classification tient compte non seulement des dimensions de symptômes que présentent les patients mais surtout de l’évolution de la maladie dans le temps.

Medscape édition française : Justement, comment peuvent évoluer les schizophrénies ?

Pr Fabrice Berna : On sait par exemple qu’il existe des formes de schizophrénie avec des symptômes qui disparaissent complètement après les premiers épisodes, ce qu’on appelle dans le jargon de cette classification, les psychoses cycloïdes. Elles représentent 20 % des épisodes psychotiques. L’intérêt de les repérer, c’est que leur évolution est plutôt favorable et qu’elles peuvent bénéficier d’une stratégie thérapeutique différente. L’hypothèse – qui va être testée prochainement dans une étude nationale que je coordonne –, c’est que l’on pourrait dans ces psychoses cycloïdes, réduire, voire arrêter les traitements, en dehors des épisodes.

A titre d’exemple, une étude a montré que chez les patients avec une psychose cycloïde, dix ans après le premier épisode, trois quarts de ces patients travaillaient en milieu ordinaire, la moitié était en couple – au même titre que des sujets contrôle du même âge et du même sexe. Ces patients avaient une dose de traitement 3 fois inférieures et 20% n’en prenaient plus.

Il existe d’autres formes qui, en apparence, semblent plutôt bien se remettre après les premiers épisodes mais qui risquent de moins bien évoluer par la suite. Elles ont une présentation d’allure bipolaire (avec une alternance d’épisodes d’excitation et d’inhibition), avec une charge héréditaire importante, ce qui signifie que l’on retrouve souvent des apparentés atteints.

On voit donc que l’on peut établir des distinctions entre des formes avec une évolution favorable et un faible risque génétique, les psychoses cycloïdes, et d’autres, au contraire, d’évolution a priori moins favorables, mais avec une charge héréditaire importante.

Medscape édition française : Que peut-on attendre en termes de rétablissement pour ces patients ?

Pr Fabrice Berna : Aujourd’hui, une prise en charge adéquate et sur mesure des patients ayant une schizophrénie combine traitement pharmacologique et réhabilitation psychosociale. Toutes ces approches thérapeutiques sont orientées vers le rétablissement du patient avec l’objectif de lui apprendre à vivre avec sa maladie, de réaliser ses buts et de s’épanouir. Cet accompagnement joue un grand rôle dans le pronostic à long terme du trouble psychiatrique, et dans la qualité de l’insertion sociale.

Medscape édition française : On peut donc se montrer optimiste quant à l’évolution d’un patient vivant avec une schizophrénie ?

Pr Fabrice Berna : Disons qu’il y a réellement un potentiel d’évolution favorable – sans nier qu’il existe des situations difficiles. Dans un contexte où l’on entend plutôt parler de l’évolution de la schizophrénie comme inéluctablement défavorable, la réalité que nous constatons est différente ce qui nourrit notre optimisme.

Medscape édition française : La mauvaise image qu’a la schizophrénie est donc à bannir ?

Pr Fabrice Berna : Tout à fait, or à chaque fait divers dramatique, les médias nous ont malheureusement habitué à attendre le diagnostic psychiatrique sensé expliquer ce drame, ce biais est très regrettable ! La grande majorité des actes délictueux ou criminels ne sont pas commis par des personnes avec des troubles psychiatriques. Ce serait même plutôt l’inverse, les personnes avec une schizophrénie sont souvent victimes de la violence : c’est plus souvent elles qui se font agresser et qui ont été victimes de harcèlement.

Medscape édition française : Comment faire en sorte de changer l’image négative que les gens se font de la schizophrénie ?

Pr Fabrice Berna : Les stéréotypes ont la vie dure mais je pense que le mieux est de communiquer auprès du grand public sur les troubles psychiatriques en général. Par exemple, j’ai récemment co-animé avec Laurent Lefèvre, un pair aidant, un Ciné Débat autour de la projection du film « Le soleil de trop près » [une fiction de Brieuc Carnaille sortie en septembre 2022 qui suit le chemin de Basile, un trentenaire atteint de schizophrénie paranoïde sur le chemin de la réinsertion, NDLR] en présence de la déléguée régionale de l’Unafam et je pense que c’est une excellente formule.
Le témoignage très convaincant du pair aidant, lui-même vivant avec une schizophrénie a vraiment permis de changer le visage de la maladie auprès du public.

Cela suscite beaucoup de compassion car on mesure à quel point la souffrance est grande dans cette pathologie où le rejet est souvent basé sur l’ignorance et la peur. Et surtout on peut entendre là des exemples de personnes qui se sont admirablement rétablies de leur maladie.

Schizophrénie : une diversité de formes et d’évolutions possibles (medscape.com)



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