« Ce médicament, commercialisé en France depuis environ 15 ans, est très prescrit dans plusieurs types de troubles psychiques durables : la schizophrénie, le trouble bipolaire et certaines dépressions », ajoute-t-il. Une rupture de stock de ce médicament fait planer le risque de perte de chances pour ces patients, voire de suicides.
Entretien avec Antoine Pelissolo.
Medscape édition française : Est-ce la première fois que vous êtes confrontés à une rupture de stock comme celle que vous rencontrez actuellement pour la quétiapine ?
Pr Antoine Pelissolo : En ce qui concerne les psychotropes, nous avons rencontré des incidents par le passé. Cependant, ces problèmes ont généralement pu être résolus rapidement en l'espace de quelques semaines. Néanmoins, le cas de la quétiapine est particulier car il s'agit d'un médicament essentiel utilisé dans le traitement de maladies graves et courantes telles que la schizophrénie et les troubles bipolaires. Par conséquent, toute perturbation dans sa disponibilité peut avoir des répercussions significatives sur la santé des patients.
Combien de patients sont concernés par cette rupture de stock ?
Pr Antoine Pelissolo : Nous ne disposons pas encore de chiffres précis, mais les estimations indiquent qu'environ 200 000 personnes traitées utilisent ce médicament. Cela représente un nombre significatif avec des conséquences potentielles importantes. Mais j’insiste : le principal problème est l'absence de communication préalable. Il y a un grand nombre de patients concernés, ce qui complique l'information aussi bien pour eux que pour les prescripteurs. Ne pas pouvoir anticiper pour un médicament de cette nature est problématique.
Existe-t-il la possibilité de remplacer ce médicament, ou y a-t-il des cas de patients pour lesquels aucun remplacement n'est envisageable ?
Pr Antoine Pelissolo : Il faut être pragmatique. En médecine, on fait avec les moyens disponibles. On cherche des solutions au cas par cas, et certains patients ont vu leur traitement modifié. Mais certains patients réagissent bien à la quétiapine, après des essais infructueux avec d'autres : pour ceux-là ce sera difficile de trouver des alternatives. Il faudra peut-être revenir à des traitements moins efficaces, comme avant l'arrivée de la quétiapine il y a une quinzaine d'années.
Cela pose un problème de souveraineté puisque nous n'avons pas de contrôle sur la situation.
J’ajoute que l’arsenal thérapeutique en France est restreint, du fait des choix politiques et économiques. Je m’explique : en France, les médicaments sont généralement abordables, ce qui est cohérent avec les dépenses de santé. Cependant, cela limite le nombre de médicaments disponibles, notamment les psychotropes comme les antipsychotiques. Les agences de régulation, pour des raisons de bénéfice-risque ou financières, refusent certains médicaments. Cette situation crée des pénuries, compliquant la substitution par d'autres traitements. Il serait nécessaire de revoir les priorités politiques pour mieux soutenir la psychiatrie et les psychotropes, car ces enjeux de santé publique sont cruciaux.
Depuis que vous avez signalé le problème, avez-vous reçu des informations concernant la réintroduction de ce médicament sur le marché ou des réponses de la part des industriels ?
Pr Antoine Pelissolo : L'ANSM a informé que la cause du problème est liée à des difficultés de production chez le fabricant unique du produit actif au niveau mondial. En conséquence, la production est réduite et répartie différemment. Un autre enjeu est que, étant donné que ces produits sont vendus à un prix inférieur ici, les laboratoires préfèrent les commercialiser dans des pays où les marges sont plus élevées. Cela pose un problème de souveraineté puisque nous n'avons pas de contrôle sur la situation. Actuellement, il n'y a pas d'information disponible sur les délais de réapprovisionnement, ce qui signifie qu'il est recommandé de ne plus prescrire ce médicament à de nouveaux patients. Cependant, cela pose la question de la gestion des traitements en cours.
Est-ce la première fois que vous vous êtes confrontés à ce genre de rupture de stock brutale ?
Pr Antoine Pelissolo : Il semble que la situation ne soit pas aussi brutale que cela, la pénurie de quétiapine n’est pas survenue d’un coup, il y a eu une lente progression que nous n’avons pas remarquée. Nous sommes tellement habitués à ces pénuries que lorsque les patients nous disent qu'ils n'ont pas trouvé un médicament, nous leur suggérons de consulter d'autres pharmacies. Récemment, cela est devenu de plus en plus fréquent, atteignant un point critique, jusqu’à la rupture de stocks. Malheureusement, cette situation est devenue courante. Les pharmaciens passent beaucoup de temps à chercher des boîtes de médicaments, et l’on s’y habitue.
Ce qui est vraiment préoccupant, c'est qu'il s'agit là d'un médicament unique, difficile à remplacer, et très utile pour traiter des maladies graves. Pour les anxiolytiques, il existe des alternatives ; pour les antidépresseurs, bien que les traitements soient individuels, le choix est assez large. Cependant, pour les troubles de l'humeur et la schizophrénie, les options sont très limitées, rendant la situation bien plus sensible.
Cela fait 8 ans que des mesures ont été prises pour lutter contre les ruptures de stock, depuis la loi de modernisation de Marisol Touraine jusqu'aux dernières mesures des derniers PLFSS. Pensez-vous que cet arsenal juridique a atteint son objectif ou la situation empire-t-elle ?
Pr Antoine Pelissolo : Selon les statistiques de 2024, la situation s'est légèrement améliorée par rapport à l'année précédente, mais le problème persiste. Il y a toujours des situations nouvelles, donc la question n'est pas réglée. Une politique plus agressive est nécessaire pour lutter contre ces ruptures, car elles représentent une perte de chance potentielle, notamment un risque de suicide pour des maladies comme la schizophrénie.
Quétiapine en rupture de stock : « Ce cas est particulier car il s'agit d'un médicament essentiel »
Medscape édition française : Est-ce la première fois que vous êtes confrontés à une rupture de stock comme celle que vous rencontrez actuellement pour la quétiapine ?
Pr Antoine Pelissolo : En ce qui concerne les psychotropes, nous avons rencontré des incidents par le passé. Cependant, ces problèmes ont généralement pu être résolus rapidement en l'espace de quelques semaines. Néanmoins, le cas de la quétiapine est particulier car il s'agit d'un médicament essentiel utilisé dans le traitement de maladies graves et courantes telles que la schizophrénie et les troubles bipolaires. Par conséquent, toute perturbation dans sa disponibilité peut avoir des répercussions significatives sur la santé des patients.
Combien de patients sont concernés par cette rupture de stock ?
Pr Antoine Pelissolo : Nous ne disposons pas encore de chiffres précis, mais les estimations indiquent qu'environ 200 000 personnes traitées utilisent ce médicament. Cela représente un nombre significatif avec des conséquences potentielles importantes. Mais j’insiste : le principal problème est l'absence de communication préalable. Il y a un grand nombre de patients concernés, ce qui complique l'information aussi bien pour eux que pour les prescripteurs. Ne pas pouvoir anticiper pour un médicament de cette nature est problématique.
Existe-t-il la possibilité de remplacer ce médicament, ou y a-t-il des cas de patients pour lesquels aucun remplacement n'est envisageable ?
Pr Antoine Pelissolo : Il faut être pragmatique. En médecine, on fait avec les moyens disponibles. On cherche des solutions au cas par cas, et certains patients ont vu leur traitement modifié. Mais certains patients réagissent bien à la quétiapine, après des essais infructueux avec d'autres : pour ceux-là ce sera difficile de trouver des alternatives. Il faudra peut-être revenir à des traitements moins efficaces, comme avant l'arrivée de la quétiapine il y a une quinzaine d'années.
Cela pose un problème de souveraineté puisque nous n'avons pas de contrôle sur la situation.
J’ajoute que l’arsenal thérapeutique en France est restreint, du fait des choix politiques et économiques. Je m’explique : en France, les médicaments sont généralement abordables, ce qui est cohérent avec les dépenses de santé. Cependant, cela limite le nombre de médicaments disponibles, notamment les psychotropes comme les antipsychotiques. Les agences de régulation, pour des raisons de bénéfice-risque ou financières, refusent certains médicaments. Cette situation crée des pénuries, compliquant la substitution par d'autres traitements. Il serait nécessaire de revoir les priorités politiques pour mieux soutenir la psychiatrie et les psychotropes, car ces enjeux de santé publique sont cruciaux.
Depuis que vous avez signalé le problème, avez-vous reçu des informations concernant la réintroduction de ce médicament sur le marché ou des réponses de la part des industriels ?
Pr Antoine Pelissolo : L'ANSM a informé que la cause du problème est liée à des difficultés de production chez le fabricant unique du produit actif au niveau mondial. En conséquence, la production est réduite et répartie différemment. Un autre enjeu est que, étant donné que ces produits sont vendus à un prix inférieur ici, les laboratoires préfèrent les commercialiser dans des pays où les marges sont plus élevées. Cela pose un problème de souveraineté puisque nous n'avons pas de contrôle sur la situation. Actuellement, il n'y a pas d'information disponible sur les délais de réapprovisionnement, ce qui signifie qu'il est recommandé de ne plus prescrire ce médicament à de nouveaux patients. Cependant, cela pose la question de la gestion des traitements en cours.
Est-ce la première fois que vous vous êtes confrontés à ce genre de rupture de stock brutale ?
Pr Antoine Pelissolo : Il semble que la situation ne soit pas aussi brutale que cela, la pénurie de quétiapine n’est pas survenue d’un coup, il y a eu une lente progression que nous n’avons pas remarquée. Nous sommes tellement habitués à ces pénuries que lorsque les patients nous disent qu'ils n'ont pas trouvé un médicament, nous leur suggérons de consulter d'autres pharmacies. Récemment, cela est devenu de plus en plus fréquent, atteignant un point critique, jusqu’à la rupture de stocks. Malheureusement, cette situation est devenue courante. Les pharmaciens passent beaucoup de temps à chercher des boîtes de médicaments, et l’on s’y habitue.
Ce qui est vraiment préoccupant, c'est qu'il s'agit là d'un médicament unique, difficile à remplacer, et très utile pour traiter des maladies graves. Pour les anxiolytiques, il existe des alternatives ; pour les antidépresseurs, bien que les traitements soient individuels, le choix est assez large. Cependant, pour les troubles de l'humeur et la schizophrénie, les options sont très limitées, rendant la situation bien plus sensible.
Cela fait 8 ans que des mesures ont été prises pour lutter contre les ruptures de stock, depuis la loi de modernisation de Marisol Touraine jusqu'aux dernières mesures des derniers PLFSS. Pensez-vous que cet arsenal juridique a atteint son objectif ou la situation empire-t-elle ?
Pr Antoine Pelissolo : Selon les statistiques de 2024, la situation s'est légèrement améliorée par rapport à l'année précédente, mais le problème persiste. Il y a toujours des situations nouvelles, donc la question n'est pas réglée. Une politique plus agressive est nécessaire pour lutter contre ces ruptures, car elles représentent une perte de chance potentielle, notamment un risque de suicide pour des maladies comme la schizophrénie.
Quétiapine en rupture de stock : « Ce cas est particulier car il s'agit d'un médicament essentiel »
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