S’informer, échanger, bousculer les certitudes sur des questions qui dérangent… Telle est l’ambition du Forum européen de bioéthique de Strasbourg.
Au programme de cette quinzième édition, du 29 janvier au 1er février 2025 : la santé mentale.
Août 2024. A Bâle, en Suisse, le meurtre d’une femme de 75 ans fait la une des médias. L’auteur des faits, un homme de 32 ans, atteint de schizophrénie paranoïde et de troubles de la personnalité, était traité à la clinique psychiatrique universitaire de Bâle (UPK). C’est lors d’une sortie non accompagnée que le trentenaire est passé à l’acte. En 2014, il avait déjà tué deux femmes, selon la Télévision suisse romande. Dans la Confédération, un choc, de la stupeur et cette question : comment cet homme a-t-il pu être autorisé à sortir seul ? Plus largement, comment prendre en charge les patients atteints de troubles mentaux ? Et comment trouver l’équilibre entre les droits de l’individu et les préoccupations de sécurité publique ? Ces liens entre santé mentale, justice et libertés seront discutés au cours d’une table ronde à Strasbourg, le 30 janvier.
Interrogé par la presse suisse sur l’éventualité d’un «échec du système» qui aurait conduit au meurtre de la septuagénaire, Panteleimon Giannakopoulos, professeur de psychiatrie aux Hôpitaux universitaires de Genève, a répondu que le «risque zéro» n’existait pas. Figure de Curabilis, établissement fermé détenant des personnes condamnées et suivies pour des troubles psychiatriques graves, Pantaleimon Giannakopoulos considère que la progression d’une personne condamnée et atteinte de troubles ne peut que se faire si le monde carcéral et le monde du soin s’entendent. «Il faut un regard pluriel, chose qu’on ne peut pas faire si le carcéral prédomine», estime pour Libération le psychiatre. Il le reconnaît : en Suisse, comme ailleurs en Europe, la prise en charge de ces patients atteints de troubles mentaux est conditionné par l’opinion publique, les choix politiques et les moyens investis.
«Il est avéré que la détention aggrave les fragilités préexistantes»
Sur ce point, Manuel Orsat, psychiatre, expert près la cour d’appel d’Angers dresse ce constat : «L’expertise psychiatrique se situe au carrefour, entre la misère de la psychiatrie et l’infortune de la justice». En France, en vingt ans, le nombre d’experts psychiatres est passé de 800 à 300, entre 2002 et 2022, alors même que le nombre d’expertises demandées par les juges ne cesse de croître. Secrétaire général de la Compagnie nationale des experts psychiatres près les cours d’appel, le médecin insiste sur l’importance des experts psychiatres pour éclairer les juridictions et plus largement, porter cette question : «Que fait-on de nos fous qui passent à l’acte ? Et comment s’y prend-on pour les identifier ?».
«Les prisons sont souvent celles de la misère», estime Catherine Paulet, également participante à la table ronde. Dans une interview accordée en 2023 au Centre Osiris, une association spécialisée dans le soin thérapeutique aux victimes de tortures, elle estime «essentiel de laisser la lumière allumée dans le “closed and dark world”», que sont les populations atteintes de troubles mentaux. Psychiatre en milieu pénitentiaire depuis 1991, Catherine Paulet a signé en 2015 l’appel du Nouvel Obs sur les conditions de détention dans les prisons en France. «Il est avéré que la détention aggrave les fragilités préexistantes et favorise les épisodes de décompensation psychiatrique», indique-t-elle. Engagée personnellement dans le combat pour les droits des personnes privées de liberté, elle a fait sienne cette citation de Gandhi : «Tout ce que tu feras sera dérisoire mais il est essentiel que tu le fasses».
Troubles psychiques et emprisonnement : des questions sans réponse – Libération
Août 2024. A Bâle, en Suisse, le meurtre d’une femme de 75 ans fait la une des médias. L’auteur des faits, un homme de 32 ans, atteint de schizophrénie paranoïde et de troubles de la personnalité, était traité à la clinique psychiatrique universitaire de Bâle (UPK). C’est lors d’une sortie non accompagnée que le trentenaire est passé à l’acte. En 2014, il avait déjà tué deux femmes, selon la Télévision suisse romande. Dans la Confédération, un choc, de la stupeur et cette question : comment cet homme a-t-il pu être autorisé à sortir seul ? Plus largement, comment prendre en charge les patients atteints de troubles mentaux ? Et comment trouver l’équilibre entre les droits de l’individu et les préoccupations de sécurité publique ? Ces liens entre santé mentale, justice et libertés seront discutés au cours d’une table ronde à Strasbourg, le 30 janvier.
Interrogé par la presse suisse sur l’éventualité d’un «échec du système» qui aurait conduit au meurtre de la septuagénaire, Panteleimon Giannakopoulos, professeur de psychiatrie aux Hôpitaux universitaires de Genève, a répondu que le «risque zéro» n’existait pas. Figure de Curabilis, établissement fermé détenant des personnes condamnées et suivies pour des troubles psychiatriques graves, Pantaleimon Giannakopoulos considère que la progression d’une personne condamnée et atteinte de troubles ne peut que se faire si le monde carcéral et le monde du soin s’entendent. «Il faut un regard pluriel, chose qu’on ne peut pas faire si le carcéral prédomine», estime pour Libération le psychiatre. Il le reconnaît : en Suisse, comme ailleurs en Europe, la prise en charge de ces patients atteints de troubles mentaux est conditionné par l’opinion publique, les choix politiques et les moyens investis.
«Il est avéré que la détention aggrave les fragilités préexistantes»
Sur ce point, Manuel Orsat, psychiatre, expert près la cour d’appel d’Angers dresse ce constat : «L’expertise psychiatrique se situe au carrefour, entre la misère de la psychiatrie et l’infortune de la justice». En France, en vingt ans, le nombre d’experts psychiatres est passé de 800 à 300, entre 2002 et 2022, alors même que le nombre d’expertises demandées par les juges ne cesse de croître. Secrétaire général de la Compagnie nationale des experts psychiatres près les cours d’appel, le médecin insiste sur l’importance des experts psychiatres pour éclairer les juridictions et plus largement, porter cette question : «Que fait-on de nos fous qui passent à l’acte ? Et comment s’y prend-on pour les identifier ?».
«Les prisons sont souvent celles de la misère», estime Catherine Paulet, également participante à la table ronde. Dans une interview accordée en 2023 au Centre Osiris, une association spécialisée dans le soin thérapeutique aux victimes de tortures, elle estime «essentiel de laisser la lumière allumée dans le “closed and dark world”», que sont les populations atteintes de troubles mentaux. Psychiatre en milieu pénitentiaire depuis 1991, Catherine Paulet a signé en 2015 l’appel du Nouvel Obs sur les conditions de détention dans les prisons en France. «Il est avéré que la détention aggrave les fragilités préexistantes et favorise les épisodes de décompensation psychiatrique», indique-t-elle. Engagée personnellement dans le combat pour les droits des personnes privées de liberté, elle a fait sienne cette citation de Gandhi : «Tout ce que tu feras sera dérisoire mais il est essentiel que tu le fasses».
Troubles psychiques et emprisonnement : des questions sans réponse – Libération
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