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31 octobre 2023

À Nice, une "bibliothèque vivante" permet d'emprunter un humain...

Bipolarité, schizophrénie… À Nice, cette "bibliothèque vivante" permet d'emprunter un humain pour briser le tabou de la santé mentale.

Comment la maladie mentale a débarqué dans leur vie ? Quand ont-ils été diagnostiqués ? À quoi ressemble leur quotidien avec des problèmes de bipolarité, de schizophrénie ? Comment font-ils face ? À Nice, pour briser le tabou de la santé mentale, une "bibliothèque vivante" permet à des personnes concernées par la maladie de partager leur histoire avec des inconnus, comme on emprunte un livre.

Midi, sur le campus Carlone, la fac de lettres, arts et sciences humaines de Nice. Couloirs et amphi déversent un flux diffus d’étudiants, en route vers leur pause déjeuner.

Sur le parvis, entre la BU et la cafétéria, face à l’entrée principale, il se trame quelque chose. Des chaises vides se font face par paire, disséminées ça-et-là.

Un grand panneau d'affichage déployé annonce une animation un brin obscure… "Bibliothèque vivante - Découvrez et empruntez un livre vivant!"

Organisé par le Conseil local de santé mentale de la ville de Nice, l’événement associe les équipes de l’hôpital de jour Le Bellagio, un service du centre hospitalier Sainte-Marie, spécialisé dans la prise en charge des maladies mentales.

Mais aussi des usagers directement concernées par une pathologie: comme Benjamin, 34 ans et Véronique, 57 ans, tous deux atteints de troubles bipolaires; ou encore Liliane, 57 ans, diagnostiquée schizophrène.

Ce midi, chacun pourra être "emprunté", comme un livre à la bibliothèque, pour une durée de 20 minutes. Objectif: partager son parcours de vie avec un inconnu, de passage sur ce parvis.

Atomiser les préjugés

Né dans les années 2000 au Danemark, le concept de "bibliothèque humaine" germe dans l’esprit de Ronni Abergel de l’association Stop the violence. Une structure qu’il fonde après la mort d’un ami, poignardé dans la rue par un inconnu.

Son idée: lutter contre les discriminations et la xénophobie qui infusent dans la société… en prenant simplement le temps de rencontrer l’autre. Un échange organisé et sécurisé.

Depuis, le concept a essaimé dans plus de 90 pays, dont la France. "J’ai été en lien avec l’hôpital [psychiatrique] Le Vinatier à Lyon qui a recours à cet outil pour lutter contre la stigmatisation en santé mentale. Au printemps 2023, j’ai ouvert la discussion avec l’hôpital Sainte-Marie de Nice et nous avons lancé un appel à volontaires pour devenir livre vivant", explique Marion Vandebrouck, coordinatrice du Conseil local de santé mental, créé en 2015 pour faire émerger des solutions locales.

"Notre société a à son actif 60 ans de sensibilisation à la santé mentale. Mais ces campagnes font très peu bouger les lignes. On associe trop souvent dangerosité et imprévisibilité à certaines pathologies, comme la schizophrénie. Les rencontres, elles, peuvent faire évoluer les mentalités", étaye Martine Boggero, psychologue à l’Hôpital de jour Le Bellagio, partie prenante du dispositif.

Une rencontre très codifiée

Pour devenir des "livres" et partager leur histoire avec des gens à qui ils n’auraient sans doute jamais parlé, Liliane, Benjamin, Véronique, Aïcha, concernés par la maladie, et Isabelle, psychiatre, ont participé à 3 ateliers d’écritures.

Résultat: un récit autobiographique, avec un titre accrocheur et des chapitres, qu’ils liront à leur interlocuteur d’un jour.

Benjamin, grand gaillard au pantalon orange, tient son paquet de feuilles entre ses mains quand Anna, une étudiante en lettres de 20 ans, arrive, aiguillée par un "alpagueur", chargé de lui présenter les "ouvrages vivants". Ils s’assoient face à face, pour 20 minutes.

"C'était très touchant et intéressant, ça apporte un nouveau regard", Anna, étudiante en lettres

Benjamin lit sa vie: l’enfance, le café au lait concentré et les biscottes à la confiture, le manque de confiance comblé par le volley, les ambitions sportives... Et puis la maladie qui s’invite et le contraint à quitter le lycée "par la petite porte" à 15 ans, l’errance médicale jusqu’au diagnostic, la "resociabilisation" grâce à l’association Le phare des deux pôles qui, à Nice, aide à vivre avec la bipolarité et les ateliers à l’hôpital de jour de Sainte-Marie.

Mais surtout, il décortique sa passion pour l’art, les livres - Zola, Dostoïewski - qui le tient. "C’est la culture qui m’a permis de montrer que je n’étais pas qu’une personne malade", lit-il.

Anna écoute attentivement, ses yeux se perdent parfois dans le vague et l’émotion affleure. "Waouh... merci. Tu n’as jamais pensé à écrire un essai ? Tu as une super plume", réagit-elle.

La discussion s’engage. "C’était très touchant et intéressant, ça apporte un nouveau regard. Chaque expérience est différente, personne ne rentre dans une case. Je conseille l’expérience à tout le monde", nous confie-t-elle.

"Partager mon histoire, ça me permet de prendre conscience que j'ai évolué", Benjamin, atteint de bipolarité

Marion, du Comité local pour la santé mentale, consigne les ressentis par écrit. Le dispositif est codifié, du personnel de santé présent sur place. Une heure plus tard, Benjamin et les autres ont déjà raconté leur histoire à une quinzaine d’inconnus. "Je ne m’attendais pas à ce que ça intéresse autant, ça me permet aussi de voir que j’ai évolué", dit-le trentenaire.

À Nice, en partenariat avec l’Université, la bibliothèque vivante s’invitera bientôt devant la fac de médecine. "Trop d’étudiants ont encore de fausses croyances sur la psychiatrie", souligne Claire Mosca, infirmière au Bellagio et prof en école de soins infirmiers.

Clem, en deuxième années de soins infirmiers, abonde: "On a ces clichés dans la tête de fous furieux, imprévisibles. Ce qui m’a le plus frappé en intervenant au sein de l’hôpital de jour Le Bellagio, c’est que le soin, c’est le temps passé avec les personnes, en ateliers d’écriture, d’écoute musicale. Là, j’ai juste vu qu’ils avaient tous une personnalité, des goûts, qu’ils ne se résument pas à leur maladie", témoigne le jeune homme.

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